Avec la création par le nouveau président, M. Sarkozy, du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement, nous assistons en France à une véritable chasse à l’étranger, et de préférence bronzé de peau.
Des drames
Des effets d’annonce, des pratiques qui mettent les personnes sans papiers en situation de pression permanente allant jusqu’à des drames qui ont défrayé la chronique, comme le décès le 20 Septembre dernier d’une chinoise, Chunlan Liu, qui, poursuivie par la police, a sauté par la fenêtre. Un autre drame a fait parler de lui plus récemment, il s’agit du placement de familles avec enfants (même de très jeunes enfants) dans des Centres et Locaux de rétention administrative.
Un silence
Dans un article du 22 octobre 2007 du Télégramme (Quotidien Régional de l’Ouest), un journaliste s’étonne : « vingt-cinq mille reconduites à la frontière pour 2007. C’est le chiffre que le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement accepte de livrer. Les détails, les explications relèvent du secret absolu. Rien ne filtre. Quels objectifs locaux ? Combien de reconduites effectuées ? Quelle évolution ? Rares sont les personnes qui acceptent de parler, même sous couvert d’anonymat ou d’appartenance syndicale. « Crainte » de représailles hiérarchiques ? Indifférence ? »
« C’est la loi du silence qui s’installe, s’agace Philipe Armaud, responsable Ouest du Syndicat national des officiers de police (Snop), même nous, nous avons désormais beaucoup de mal à avoir des infos ».
Les Centres et Locaux de rétention administrative
Dans ce processus d’industrialisation de reconduite à la frontière, plusieurs moyens législatifs, techniques et logistiques ont été mis en place pour facilité et réussir l’objectif fixé par le gouvernement.
Je vais aujourd’hui m’attarder sur l’armada logistique dont disposent la police et la justice pour reconduire les immigrés à la frontière.
Les CRA et Les LRA1
En 1975, la découverte à Arenc près de Marseille d’une « prison clandestine » destinée aux sans papiers en voie d’expulsion, provoque une campagne de mobilisation pour en obtenir la fermeture. En vain. La loi n°81-973 du 29 octobre 1981 légalise et organise la rétention, elle qualifie expressément ces lieux comme « ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ». Pourtant, il a fallu attendre le décret du 19 mars 2001 pour qu’un statut réglementaire des centres de rétention administrative, précisant leur régime et leurs règles de fonctionnement, existe. Ce décret fixe des normes matérielles et juridiques minimales dans ces lieux. C’est par ce texte que la distinction entre deux types de lieux de rétention est apparue : les centres de rétention administrative (CRA) d’une part et les locaux de rétention administrative (LRA) d’autre part. Les règles de fonctionnement et les normes qui s’appliquent aux CRA sont distinctes de celles des LRA.
L’allongement de la durée maximale de rétention (de 12 à 32 jours), l’augmentation du nombre comme de la taille des centres de rétention – le nombre de places de rétention administrative a doublé depuis 2003 (de 786 à 1500) – et les quotas fixés par le ministère de l’Intérieur aux préfectures en terme de reconduites à la frontière, ont transformé la nature même de ce dispositif. La rétention a glissé peu à peu vers une logique d’internement, transformant progressivement ces lieux en camps.
Entre le CRA, créé par arrêté conjoint des ministres de l’Intérieur, de la Justice, de la Défense et des Affaires sociales et placé sous la responsabilité du préfet du département, où les normes, leurs implantations, la dignité des migrants sont plus respectées… et les LRA où les normes ont à peine un caractère obligatoire et à faire respecter par les autorités locales qui n’en ont pas les moyens financiers, on ressent une certaine discrimination dans les lieux de rétention. On remarque une certaine volonté de développer les LRA, des lieux, vous l’aurez deviné plus obscures, plus secrets, où les migrants sont mal protégés et des fois mal logés, où il n’y a pas de permanence d’association de défense des migrants (Cimade), alors que les 48 premières heures sont fondamentales pour déclencher les bonnes opérations administratives pour éviter l’expulsion.
Levons-nous contre la banalité de la maltraitance institutionnelle
Ces lieux où sont enfermés hommes, femmes, familles entières et même des nourrissons pour être reconduits à la frontière, laisseront des marques et des blessures profondes dans le cœur des migrants.
Nous devons éveiller nos consciences contre ce manque manifeste de respect de la dignité et des droits de l’Homme. Si nous acceptons ces injustices qui broient des individus humains en France, face à quelle injustice serons-nous capable de nous lever ?
Je terminerai par une célèbre citation, du pasteur antinazi Martin Niemölle :
« Quand ils sont venus chercher les communistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les juifs,
Je n’ai pas protesté,
Je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
Je n’ai pas protesté,
Je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait personne pour protester. »
Marc Sangnier - MB
1 Je vous invite à lire le sixième rapport de la Cimade sur les centres et locaux de rétention administrative : www.cimade.org, c’est un rapport sur les objectifs du gouvernement et sur les conditions de vie des migrants en situation de privations de liberté.